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Chroniques : Minors - Ways/Times (Autoproduit)

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Minors est un sextet parisien formé par 2 ex-membres de Brides in Berlin, pépite musicale restée trop underground et qui a a donc connu une attention mineure. C’est peut-être pour cela que le groupe a pris le nom de Minors. En tout cas ici, on a affaire à une équipe de mineurs qui ont hâte de sortir de leur puits où ils sont enfermés depuis trop longtemps. Dès le morceau introductif, we were kings, le ton est posé : des chœurs accompagnent un piano, des cordes et des percussions. Ces derniers rythment la remontée vers la surface. On se donne aussi de la force en chantant.
Et dès le deuxième morceau, on aperçoit la surface de la terre, on voit même des plages (Them Beaches). Le groupe exprime sa joie de voir le jour, en tapant des mains en chantant à plein poumon et à l’unisson. On pense à du Arcade Fire en plus pop, en plus gai et même à du Radiohead transformé en groupe tribal. Car en écoutant les 11 chansons de Ways/Times qui forment une suite compacte, on se dit que Minors est un groupe uni, une tribu avec qui on a envie de danser autour du feu comme sur le morceau While Indians Hunt, où le final arabisant nous évoque l’album No Quarter de Jimmy Page & Robert Plant.
Pour continuer, sur les évocations (et non les comparaisons), Minors nous fait songer à la famille de Constellation Records : God Speed you Black Emperor, Thee Silver Mount Zion…mais aussi à A Hawk and a Hacksaw (As Black Sheets Draw Near).
Cependant, Minors sait se détacher de ses influences et les dépasse pour libérer une musique unique, emplie d’émotions et de moments magiques comme ce saxophone qui sort de la brume sonore sur We Stars are suns où l’on croirait entendre des étoiles tombées du ciel. Et avec l’enchaînement Blackburn/To arms, on est sur un nuage, touchant le ciel. C’est beau, tout simplement.
Avec Ways/Times, Minors a tout sauf sorti un album mineur!

Nicovara

http://minors.bandcamp.com/
http://www.myspace.com/mnrs

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Je ne sais pas vous – et vous non plus, du reste, vous ne savez pas, puisqu’à ce stade vous ne connaissez pas encore l’album dont il est question ici – mais moi, au bout d’un moment, j’ai réécouté Liberation Music Orchestra, par Charlie Haden et ses copains. Histoire de vérifier si c’était à bon escient que Ways / Times m’avait fait penser à ce disque de jazz libertaire de la fin des années soixante. Et la réponse est qu’il y a de ça, qu’il aura certainement suffi, parmi les multiples et récurrents éléments de structure de Ways / Times, de percevoir de prime abord les plus massifs : d’amples frappes et la peau généreuse des percussions en première ligne ; ces refrains lancés dans un unisson enthousiaste, comme une chorale à ses débuts, comme des slogans ; cette façon dans la composition et la production de mettre sur un pied d’égalité tous les protagonistes, chœur, voix principales, instruments solistes ou d’accompagnement, tout un halo en somme, une impalpable évocation d’une force calme, collective et drapée d’un négligé savant. Ensuite, derrière tout ça et pour donner de la profondeur, une sophistication qui sait se faire oublier ; un enchaînement fluide des morceaux qui instille l’idée d’un album-concept sous le masque ; une foule d’éléments plus ténus qui viennent enrichir et renforcer l’architecture, une palette sonore qui s’élargit au fil des interventions de cordes, d’anches, de cuivre, les fragments du gimmick initial We were kings qui viennent rythmer l’album sur la longueur, assez différents et suffisamment identiques, à chaque intervention, pour qu’on se demande si c’est bien ça qu’on a déjà entendu, de même qu’on n’est jamais sûr que les pauses musicales séparent vraiment deux plages, même s’il peut aussi arriver qu’il y ait une pause entre deux plages.
À partir de la troisième écoute environ l’album semble se déplier dans notre cerveau, on est enchanté et un peu étonné de cet empilement / alternance de textures et de phrases musicales qui semblent sortir d’une malle sans fond. Il se peut donc que le déballage se poursuive au-delà des quatrième et cinquième rencontres avec le disque, l’expérience est en cours, ce qui est sûr c’est que la visite s’achève sur le superbe et édifiant So long, aux allures de manifeste, tout de même, de maîtrise vocale et instrumentale, de plaisir dans l’application harmonique. Une fin qui rappelle, qui peut rappeler, bref, qui, à moi, me rappelle les crépusculaires, tendres, lumineuses et insolites conclusions d’albums comme le « double blanc » ou Abbey Road, des Beatles, deux œuvres contemporaines de Liberation Music Orchestra, qui regardaient loin devant, et dont le regard, du coup, nous parvient, oui, jusqu’en en 2011, aidé peut-être en chemin par ce Ways / Times. Car la musique de Minors, si elle a pu me rappeler – incidemment – ces disques plus que quadragénaires, n’a rien de nostalgique ni ne semble se réclamer d’une quelconque inspiration du passé. Elle est d’ici et maintenant, et même probablement encore mieux, même si on ne peut pas en être sûr : pour le certificat d’intemporalité dûment tamponné, rendez-vous dans dix ans. Cela dit, je mettrais bien une pièce dessus – je ne sais pas vous… Reste à vous faire une idée.

Philippe Vidalphvl@free.fr